
En cas de rupture de la normalité, on entend souvent qu’il faut stocker des biens essentiels… non seulement pour sa survie, mais aussi pour les échanger. L’idée paraît simple : troquer une partie de son stock contre ce qui viendrait à manquer. Sur le papier, ça fonctionne. Mais sous deux conditions : que la crise soit brève… et que vos interlocuteurs ne soient pas hostiles.
Ce qu’on oublie souvent de dire, c’est comment va se dérouler le troc, et avec qui. Or, c’est précisément cette partie-là qui peut s’avérer la plus risquée.
Le troc dépend de deux critères : la durée de la crise et le milieu dans lequel vous vous trouvez.
Un troc pacifique entre voisins n’a rien à voir avec une négociation sous tension dans une ville en proie au chaos.
En milieu rural, le troc a des chances de s’installer rapidement, surtout si la crise est courte.
Les liens communautaires, la connaissance mutuelle et la culture d’autonomie permettent une transition plus fluide. Mais si la rupture dure, le stock s’épuise, et ceux qui ne produisent rien n’auront plus que leurs compétences ou leur force de travail à offrir.
Côté sécurité, le monde rural a ses propres régulations. Les gens se connaissent, beaucoup sont armés, et rares sont ceux qui cherchent à dominer leurs voisins : la méfiance y est moins brutale qu’en ville.
En zone urbaine, c’est une autre histoire.
Les pillages et émeutes peuvent surgir dès le premier ou deuxième jour. Au bout d’une semaine, on assiste souvent à une territorialisation : des groupes organisés – ou opportunistes – prennent le contrôle des rues, des ressources, et imposent leurs propres règles.
Si la crise est courte, on verra surtout des actes de vandalisme, tandis que le troc ou l’entraide pourront se mettre en place entre voisins d’immeuble ou de quartier.
Mais dès que la situation se prolonge, la loi du plus fort s’installe. Les autorités ne régulent plus rien, et des groupes armés – des petits gangs désorganisés aux réseaux mafieux structurés – cherchent à contrôler tout ce qui a de la valeur.
Faire du troc dans ce contexte devient extrêmement dangereux.
Si vous êtes seul, isolé ou désorganisé, vous aurez peu de chances de faire du troc en toute sécurité. Avant même de pouvoir échanger quoi que ce soit, vous risquez d’être repéré, dépouillé, voire agressé. Et si vous parvenez à maintenir des échanges, cela s’apparentera plus à du marché noir sous le manteau qu’à une joyeuse brocante entre survivants.
Conclusion : ne pas idéaliser le troc
Le troc n’est pas un outil magique de résilience. Ce n’est pas l’échange de bons procédés d’un monde en paix : c’est un système de survie. Dans un monde où l’État n’existe plus, c’est votre réseau qui fera la différence.
Si vous ne pouvez pas vous réfugier à la campagne, alors intégrer ou créer un réseau de résilience est la meilleure stratégie pour échanger en sécurité – qu’il s’agisse de biens, de compétences ou de services.
Seul, vous êtes une cible. En groupe, vous devenez une force.